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Filature : un ancien espion des services secrets raconte comment ils mettent les journalistes sur écoute

Le journaliste et analyste politique Siméon Roland Ekodo Mveng a quitté le Cameroun pour se faire une autre vie ailleurs. Certainement pour les mêmes raisons que d’autres personnes l’ont quitté : insécurité grandissante, bavures policières, guerre entre clans, démocratie bafouée, les droits de l’homme violés, emprisonnements injustifiés, etc.

Il a appris comme tous ses frères et sœurs restés au pays ou partis à l’étranger comme lui, l’assassinait malheureux du journaliste Martinez Zogo qui était devenu une épine sous le pied de certaines personnalités bien identifiées au pays. Ekodo Mveng ne regrette pas d’être parti.

Il raconte une histoire, au moment où il était encore au pays. C’est celle d’un ancien indic qui a conversé avec lui, lui avouant que le régime fait surveiller les journalistes qui le critiquent beaucoup.

Je remercie l’Eternel Dieu tout puissant qui m’a fait sortir du Cameroun

Quand j’écoute cet extrait de TV5 sur la chaîne de commandement de l’assassinat du journaliste Martinez Zogo et le niveau d’implication d’une autorité politique influente, d’un homme d’affaires puissant et des officiers de l’armée et de la police qui sont censés protéger le petit peuple, je comprends que tous les Camerounais sont en situation de danger de mort.

La menace devient d’autant plus grave, et réelle avec le meurtre du père Ola Bébé au point où normalement tous les médias et consultants devraient fermer boutique pour un temps parce que tétanisés par le terrorisme d’Etat. Surtout avec l’hypothèse d’une enquête compromise.

Le film sur l’assassinat de Martinez me rappelle une anecdote sur ma vie d’homme de médias au Cameroun et sur les risques que j’encourais.

Un jour j’ai été invité en 2013 dans une chaîne de radio autrefois basée à Elig Essono à Yaoundé. Dans cette émission, j’ai fortement critiqué le régime. A la sortie de ce débat, j’ai cheminé à pied environ 30 minutes par une ruelle qui va de carrefour Ceper jusqu’à Hypodrome au centre de recherche où j’étais chercheur junior.

Arrivé au centre de recherche, environ 10 minutes juste après mon entrée, la bibliothécaire me dit que quelqu’un demande avec insistance à me voir. Qu’elle lui a demandé de me joindre au téléphone pour qu’elle l’introduise, ou si on avait rendez-vous, mais le monsieur lui a répondu qu’il n’avait pas mon numéro et que je ne l’attends pas. C’est comme ça que je dis à la bibliothécaire de le faire entrer dans notre bureau.

Je le salue, bonjour mon frère et je lui donne une chaise en face. C’est un monsieur grand de taille et au physique imposant. Je lui demande comment il va et que puis-je faire pour lui ?

Il me dit qu’il vient de m’écouter à la radio et que j’ai été trop cru et amère. Il me dit qu’il me trouve véridique, froid et pertinent dans mes analyses mais qu’il se sent un peu heurté que je critique ainsi le président de la République et les membres du gouvernement à chaque fois.

Je lui demande si ce que je dis souvent est fondamentalement faux ? Il me répond du tout. Mais qu’il y a une manière de dire des choses.

Il me de demande par la suite, en toute discrétion si je suis de la franc maçonnerie ou de la rose croix ? Je lui réponds que je suis catholique romain et très pratiquant.

Il me demande dans quel parti je milite et si les hommes politiques antisystèmes m’ont déjà coopté ou demandé de les rejoindre. Je lui réponds qu’actuellement je suis militant de la société civile. Que les hommes politiques m’ont abordé pour les rejoindre mais que je n’ai pas donné une suite favorable en raison de mes préoccupations académiques et des maladies qui affectent les partis politiques d’opposition.

Comme par action du Saint Esprit, il me confesse qu’il est un indic, un espion qui travaille avec les services de renseignements. Qu’il a travaillé pour le compte de la présidence.

Qu’il est aujourd’hui en service dans un ministère tout en poursuivant ses études dans une université de la capitale. Il me dit comment ils mettent souvent les consultants sur écoute au téléphone et dans les médias puis les filent.

Il me dit qu’il a donné sa vie à Jésus Christ comme moi, mais qu’il était dans la rose croix d’or il y a quelques années. Qu’il est sorti parce qu’une haute personnalité de la République qu’il servait quotidiennement a voulu le « vendre » mystiquement.

Il me dit que ce baron n’est pas en réalité chrétien mais qu’il embrouille les naïfs en les orientant dans une fausse église de réveil où il y a leurs associés des sectes. Il me dit ce qui s’est passé en plein culte où il a subitement eu une hémorragie nasale quand on a voulu le sacrifier mystiquement dans cette fausse église de réveil.

Il me dit que sa femme lui a demandé de prendre ses distances avec ces gens. Il me demande en me quittant de faire extrêmement attention avec mes positions dans les médias parce que je suis très écouté et ciblé.

Une hypothèse que j’ai d’ailleurs validée quand trois semaines plus tard, un grand ami m’a appelé pour me dire qu’on veut m’empoisonner dans un micro dans cette chaîne de radio où ce gars m’avait suivi.

Et que le propriétaire est dans les affaires compliquées et à la solde de ces gens que je critique. Mais que lui, il ne peut pas me laisser mourir de la sorte parce qu’il pense que je fais partir du Cameroun de demain.

Et qu’ensuite il m’a trouvé très respectueux, sympathique et surtout scientifique dans mes positions. Que Dieu garde mes frères et sœurs camerounaises. Priez sans cesse, Jésus Christ le bon berger qui m’a sorti de la fosse aux lions.

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