face aux violences, «il est urgent de former les policiers»


L’association La Voix des survivant-e-s dénonce de graves dysfonctionnements lors des interventions de police pour violences domestiques et exhorte le gouvernement à agir.

C’est avec plusieurs dizaines de témoignages sous le bras qu’Ana Pinto est allée à la rencontre du nouveau ministre des Affaires intérieures : la présidente de La Voix des survivant-e-s et des membres de l’association ont récemment été reçus par Léon Gloden pour aborder les dysfonctionnements lors des interventions de police pour violences domestiques.

Car il y a de sérieuses failles dans le système, et il est temps d’arrêter de les mettre sous le tapis, estime l’ASBL. Avec un point noir, épinglé depuis plusieurs années déjà : la formation des agents de police.

«On se rend compte, au fil des témoignages qu’on reçoit, du profond manque de formation des policiers. En deux années d’apprentissage, seules quatre heures sont consacrées aux violences domestiques, alors qu’elles représentent près de 1 000 interventions par an», déplore Ana Pinto.

Et cette mère de famille sait de quoi elle parle, elle a elle-même subi des années de violence conjugale et d’emprise psychologique auprès de son ex-mari. «La police doit comprendre que, lorsqu’une victime appelle, elle a certainement déjà enduré des violences répétées. Le risque de la laisser là, en présence de l’auteur, doit être évalué en tenant compte de ce contexte», souligne la présidente, qui prône un entretien avec la victime dans une pièce séparée, ce qui n’est pas systématique.

Elle ajoute que les mécanismes d’autodéfense mis en place par toute personne qui craint pour sa vie, aujourd’hui largement documentés, restent méconnus parmi les policiers. Notamment le phénomène du flight fright fight :

«Face à une menace, on n’a pas tous les mêmes réflexes. Certaines personnes vont chercher à fuir, d’autres seront dans la sidération, comme paralysées, et d’autres trouveront la force de se défendre. Surtout s’il y a des enfants», explique-t-elle.

Or, une fois au domicile, constatant que l’agresseur porte des marques de griffures par exemple, il est fréquent que la police considère la victime comme autrice de violences, elle aussi, et minimise les faits.

«On observe aussi que la crédibilité des victimes est entachée si elles retournent auprès du conjoint violent ou retirent leur plainte. Alors que cela relève de l’emprise, d’une part, et de leur situation économique, d’autre part. Elles n’ont pas d’autre option», insiste Ana Pinto.

Difficile de protéger la victime

Des comportements, directement liés au manque de connaissances en la matière, qui ont des conséquences lourdes, puisque certains agents décident de ne pas établir de rapport à la suite de leur intervention : «Ils jugent que ce n’est pas si grave, alors ils ne font pas suivre au parquet», s’agace la jeune femme.

Une réalité qui apparaît dans les chiffres officiels : en 2022, la police grand-ducale a déclaré être intervenue à 983 reprises pour des violences, mais le parquet n’a reçu que 679 rapports. Dans presque un tiers des cas, aucun rapport de police n’est envoyé aux autorités judiciaires.

Et quand il y en a un, l’expulsion de l’agresseur n’est pas ordonnée automatiquement. Seules 246 mesures d’éloignement du domicile ont ainsi été autorisées en 2022. «Forcément, puisque le parquet se base sur la description des faits par la police. Si la gravité de la situation et le risque immédiat pour la victime ne sont pas correctement établis, difficile de protéger la victime», alerte la présidente avec, là encore, des témoignages accablants.

Comme celui de cette dame et de sa fille de 17 ans, confié par téléphone à l’association. Frappées et insultées par le père de famille complètement saoul, elles s’étaient enfermées dans la salle de bains, attendant près d’une heure et demie l’arrivée d’une patrouille.

«Entre-temps, l’homme s’était endormi sur le canapé, au milieu du salon saccagé. Les policiers l’ont trouvé calme et ont conseillé aux victimes de se rendre au commissariat le lendemain s’il se passait quelque chose durant la nuit», raconte Ana Pinto. «Ce n’est pas normal!»

Le ministre a promis qu’une évaluation de la formation sera menée dans les rangs de la police, et a ouvert la porte à une participation de La Voix des survivant-e-s à la sensibilisation des forces de l’ordre.

Avec sa délégation, Ana Pinto sera reçue vendredi par la ministre de la Justice, à qui elle compte remettre un projet de loi rédigé avec des juristes, pour protéger efficacement les victimes de violences.



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