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Affaire Malicka: Voici pourquoi les hautes instructions ont remplacé le droit – Me Alice Nkom

Le 18 août dernier, le procès de Martin Camus Mimb et Wilfried Etéki était à sa troisième audience. Quel problème pose le renvoi de l’affaire au 08 septembre ?

L’affaire gui passait le 18 août c’est l’affaire que monsieur le procureur de la République a initiée après que la partie civile ait saisi le tribunal d’une action pour les mêmes faits pratiquement par voie de citation directe. L’affaire en citation directe est renvoyée pour le 26 août et l’affaire qui passait hier c’est celle où on a donné l’ordre à monsieur le procureur de la République de mettre ces jeunes opérateurs économiques en prison.

Vous avez écouté le discours d’un membre du gouvernement, la ministre de la Femme et de la Famille. Elle a annoncé les pressions qu’il fallait mettre et quand aujourd’hui vous savez que dans les prétoires, les palais de la justice, les hautes instructions ont remplacé la loi et le droit auprès du juge, vous comprenez aisément que c’est du grand n’importe quoi en termes de procédure et de droit.

Les magistrats eux-mêmes ne savent plus comment faire parce qu’ils ont les instructions dans les oreilles, mais ils se rappellent quand même que nous sommes là pour dire le droit, rendre la justice aux Camerounais qui en ont fait la demande. Et ça donne >un imbroglio incroyable où les victimes sont Martin Mimb et Wilfrid Etéki. Voilà donc le procureur de la République qui lance une procédure par voie de flagrant délit.

Pourquoi ? Parce qu’il sait que s’il ne lance pas par voie de flagrant délit, il n’a pas le droit ni le pouvoir de placer quelqu’un sous mandat de détention provisoire en le privant de sa liberté d’aller et venir qui est un droit fondamental protégé par la Constitution et par la loi internationale qu’on a placée au-dessus de toutes nos autres lois internes, y compris la Constitution. Est-ce que je me fais comprendre ? Donc il a dit « je fais donc que ce soit le flagrant délit, comme ça je les place sous mandat de dépôt pour obéir aux ordres de la hiérarchie. »

C’est une irrégularité ?

C’est plus qu’une irrégularité. C’est une violation flagrante de la loi écrite en français facile au niveau de l’article 12 du code de procédure pénale. Vous savez, le tribunal ne juge pas comme l’homme de. la rue qui dit « Ah oui, c’est contraire à nos traditions, c’est une abomination, c’est dans le code pénal ». Non ! Il y a une démarche et une procédure qu’il faut suivre à peine de nullité. Il y a comme un livre de recettes que les magistrats et les tribunaux doivent suivre scrupuleusement, sinon tout ce qu’ils font est nul.

Je ne sais pas si vous travaillez dans une entreprise, on vous dit comment il faut procéder, il y a un règlement intérieur mais vous dites « Non ! Moi, je fais comme je veux. » Ce n’est pas possible, et dans les tribunaux c’est encore plus strict. Parce que la loi prévoit elle-même que si on viole une seule disposition des étapes qu’on vous a dit de suivre et de comment on vous a dit de faire, toute la procédure et d’une nullité absolue. Non seulement ça peut être à la demande des parties, mais c’est obligé pour le tribunal de le faire. Et on ne peut pas revenir en arrière.

La loi est donc dure, mais c’est la loi. En ce qui le concerne le procureur, bien qu’il y ait eu une citation directe tout le monde a entendu le Collectif parier ici de citation directe, il disait même qu’elle est bloquée par le parquet, donc le procureur n’avait pas besoin de placer les gens sous mandat de dépôt Non seulement il n’en avait pas besoin, mais il n’avait pas le pouvoir et il n’en avait pas le droit.

Il les a placés. Maintenant quand on vient le lui faire savoir à l’audience de renvoi parce que le flagrant délit ont un caractère d’immédiat. On t’attrape et, puisque c’est le flagrant délit, il n’y a pas de témoin, on te juge rapidement.

Donc iI n’y a pas de raison que ce procès traîne tel qu’on le constate ?

Absolument pas ! L’affaire aurait dû être jugée dès la première audience, puisqu’il n’y a pas de témoin. Les parties sont là. Non seulement ça n’a pas été le cas, mais quand les avocats ont soulevé cette exception, que nous ne voulons même pas qu’il y ait des débats, parce que leur procédure est nulle et qu’on ne peut pas continuer, ils ont violé les droits fondamentaux de Martin et de Wilfrid, et ce sont les textes qui le disent, le procureur a demandé un renvoi pour attendre les instructions de sa hiérarchie. On lui a donné quinze jours pour ça.

L’affaire revient au bout de quinze jours, on dit que la collégialité n’est pas là et on renvoie. Tous les magistrats ont fui. Trois magistrats du parquet et trois magistrats du siège. C’est une autre personne qui est venue dire « je renvoie ».

Selon vous qu’est-ce qui peut expliquer ces problèmes observés au niveau de la constitution de la collégialité ?

Il ne faut pas être sorti de l’université de Soa pour constituer une collégialité. Et pourquoi même une collégialité ? C’est une affaire simple, c’est un flagrant délit ordinaire. Pourquoi il y a une collégialité ? Ce sont eux qui ont voulu donner de l’épaisseur à une affaire qui n’en avait pas.

D’abord je n’ai jamais appris qu’un rapport ****** entre un homme et une femme qui sont d’accord et qui sont adultes pouvait être constitutif d’un délit. Malicka est majeure. Les garçons sont majeurs. Ils ont fait leurs choses là-bas.

Je ne vois pas pourquoi ça devait donner lieu à quoi que ce soit, ni pourquoi le procureur générai devait intervenir, ni pourquoi Yaoundé devait donner des instructions, ni pourquoi le ministre (de la Femme et de la Famille) devait se lever pour s’immiscer dans le quotidien du fonctionnement de la justice. Je pense que c’est là le nœud du problème.

La justice n’est pas indépendante. Or elle doit l’être, elle doit être impartiale, elle doit être rendue conformément à la loi et le juge doit protéger les lois qui sont relatives aux droits de l’homme et aux libertés.

Donc pour vous c’est cette justice partiale qui est le nœud du problème, et non la publication de de l’acte ****** sur les réseaux sociaux, d’après le grief retenu aujourd’hui par le ministère public contre les mis en cause…

Un juge n’a pas à lire les journaux pour juger, sinon ce n’est pas la peine qu’il soit juge. Sinon il nous laisse là-bas dans nos réseaux sociaux et on discute. Il n’a même pas à évoquer ça, encore moins les gens de Yaoundé qui donnent des ordres. Aujourd’hui il faut questionner l’état de droit et le fonctionnement – disons le dysfonctionnement – de la justice au pays. Et il faut que chaque Camerounais réalise qu’il est en danger si c’est comme ça que la justice fonctionne.

Comment envisagez-vous l’issue de ce procès dès lors que toutes les demandes que vous avez émises, avant tout jugement au fond, ont été rejetées ?

Le tribunal et le ministère public sont dans un domaine et nous sommes dans le nôtre. Nous sommes dans le domaine de la loi et eux ils sont dans le domaine des. hautes instructions. Vous pensez que je peux savoir ce qu’on peut leur donner comme hautes instructions ?

Non ! Mais je sais que dans le domaine de la loi, et c’est la seule chose qui s’impose à tout le monde, qui est la même pour tout le monde et on est là pour l’appliquer, parce que les juges et nous avons fait les mêmes études de droit, je sais que la loi est sortie par la porte et les hautes instructions y sont rentrées. Maintenant c’est Yaoundé qui va leur dicter ce qu’il faut faire. Mais nous on s’en tient à la loi et la loi est de notre côté, mais on ne veut pas l’appliquer et ça c’est grave.

Le peuple camerounais au nom de qui on rend la justice doit s’inquiéter, parce qu’il faut peut-être leur expliquer que quand une justice.va mal, quand on installe l’insécurité juridique, judiciaire et législative dans un pays, ce ne sont pas les gens de Yaoundé qui vont le payer, c’est nous. Pourquoi ?

Parce que personne ne va venir investir dans un pays où il y a une telle insécurité judiciaire. Alors vraiment prenez conscience du fait que la justice au pays de Paul Biya est en danger de mort clinique, et qu’avec ça, c’est la jungle.

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